Livres
: Harcèlement au travail
"Mobbing : la persécution au travail" par Heinz Leymann,
Ed. du Seuil, Paris 1996
Ouvrage du chercheur suédois qui a décrit les phénomènes
de foule ( mob ) conduisant à ce comportement destructeur
dans le milieu du travail au
début des années 90. Les manoeuvres perverses du harcèlement
moral (HM) se développent à bas bruit, et s'avancent
diaboliquement masquées.
Dans un tel silence, ses victimes ont beaucoup de mal à identifier
ce qui leur arrive comme ne provenant pas d'elles-mêmes ou
des fautes qu'elles
peuvent commettre. Il faut rompre ce silence.
Tiré de : https://www.leslibraires.fr/livre/212536-mobbing-la-persecution-au-travail-la-persecut--heinz-leymann-seuil
"Le harcèlement moral : la violence perverse au quotidien" par Marie France Hirigoyen, Ed. Syros, Coll. Pocket, Paris,
1998
Dans l'excellent livre de Marie-France Hirigoyen, qui porte le
titre "harcèlement moral", avec comme sous-titre "la violence
perverse au quotidien", on peut lire :
"Lorsque les victimes ont voulu se faire aider, il se peut qu'elles
n'aient pas été entendues. Il n'est pas rare que les
psychanalystes conseillent aux victimes d'un assaut pervers de rechercher
en quoi elles sont responsables de l'agression qu'elles subissent,
en quoi elles l'ont bien voulu, même si ce n'est qu'inconsciemment."
Là l'inconscient à bon dos, puisqu'il n'est par essence
pas conscient. Lorsqu'il ne veut pas collaborer, on va jusqu'à
l'accuser de faire de la résistance. Ce sont les "effets
pervers" de tout système de pensée. Sachant le pouvoir
que le patient attribue à son thérapeute, associé
à son état de fragilité - ce pour quoi précisément
il vient consulter-, on voit de quel enfermement il peut être
victime. L'auteur, psychothérapeute, poursuit : "En effet,
la psychanalyse ne considère que l'intrapsychique, c'est-à-dire
ce qui se passe dans la tête de l'individu, et ne tient pas
compte de l'environnement : elle ignore donc le problème
de la victime, considérée comme complice ou masochiste.
Lorsque des thérapeutes ont néanmoins essayé
d'aider les victimes, il se peut que, par leur réticence
à nommer un agresseur et un agressé, ils aient renforcé
la culpabilité de la victime et, par là même,
aggravé son processus de destruction. Il m'apparaît
que les méthodes thérapeutiques classiques ne sont
pas suffisantes pour aider ce type de victimes. Je proposerai donc
des outils plus adaptés, qui tiennent compte de la spécificité
de l'agression perverse".
Le pervers ne peut exister que par acte de prédation, en
"cassant" quelqu'un. Il est souvent admiré, car ne se remettant
jamais en question, il n'a pas d'états-d'âme. Il apparaît
ainsi, intouchable et d'une force inouïe. Sa force réside
également dans le fait qu'il se persuade et persuade autrui
(il connaît toutes les techniques diplomatiques ou manipulatrices),
qu'il agit pour le bien de sa victime, ou pour en protéger
la collectivité qu'il a en charge. Il fait de lui un assassin
au-dessus de tout soupçon et se rend ainsi coupable de crimes
parfaits !
Sachant que le harcèlement moral a toujours existé
dans les familles et dans le monde professionnel, mais que la peur
du chômage enferme les victimes de façon de plus en
plus cruelle, il s'agit bien d'un tabou, qui s'est transformé
en problème de société à régler
au plus vite. La victime-type étant précisément
celle qu'on imagine forte, par sa volonté et parfois son
acharnement à essayer de s'en sortir seule. Il s'agit souvent
d'une personne sûre d'elle, perfectionniste, entière,
et qui ne pense pas que ce type de manipulation puisse exister.
Son bourreau la veut ainsi, car la lutte doit être à
la hauteur de ses ambitions et qu'il ne supporte pas le bonheur
ou la réussite d'autrui. Les pervers se trouvent ainsi plus
souvent être des hommes (de même que les agresseurs
sexuels), car la séduction passe chez eux par une volonté
de domination et de puissance (sexuelle?), vecteur de la prédation
(sexuelle entre autre), ou de frustration (impuissance). Mais les
femmes ne sont pas de reste, car elle deviennent souvent "harceleuses",
par déplacement, et en réaction à des manipulations
dont elles ont été ou sont toujours l'objet. Notamment
dans le cas de harcèlement sexuel, plus fréquents
qu'on ne le pense et dont le harcèlement moral nous semble
être un dérivé (voire un dérivatif.)
Et comme les femmes sont peu représentées dans les
lieux de pouvoir... quand elles y parviennent, elles payent ou ont
payé le prix fort...
Il est vrai que cela ne fait pas très longtemps que les
femmes sont passées de l'état d'objet à celui
de sujet. Et encore ce n'est le cas que dans une infime partie du
monde. Ceci explique sans doute en partie que la question du harcèlement,
(comme d'ailleurs celle de la victime, qui est entièrement
tourné vers la problématique de la place de l'individu
dans la société) émerge à présent.
Car cette déviation ne peut s'exprimer que dans un rapport
autorisé (institué) de dominant/dominé.
L'agresseur est un individu certainement dépressif, souvent
alcoolique, mais qui paraît en dehors de tout soupçon.
Il occupe généralement un poste à responsabilité,
et possède des titres "honorifiques", qu'il a obtenu de haute
lutte manipulatrice. Mais où met-il son honneur ? Dans son
ascendant sur autrui ?
"Le pervers narcissique" abuse de ses fonctions et du crédit
qu'on lui attribue. Sa volonté est d'obtenir le pouvoir à
n'importe quel prix. Il en fait un sport, un but en soi, une raison
de vivre. C'est chez lui, une seconde nature, un mode de vie. Il
vampirise ses victimes pour exister. L'Autre lui sert uniquement
de marchepied ou de faire-valoir pour arriver à ses fins.
Il fait régner la terreur et le mensonge, et ses attaques
sont subtiles et invisibles aux yeux de l'entourage. Il divise pour
mieux régner. Il érige des barrières autour
de sa victime, l'isolant, faisant le vide autour d'elle. Le système
est minutieusement mis en place. Gagnant du terrain pas à
pas, le bourreau fera passer sa victime pour folle, si celle-ci
se rebelle. Il l'a pousse d'ailleurs à réagir violemment,
afin d'entériner ce dont il l'accuse : il est victime d'une
provocatrice, d'une hystérique (selon un diagnostic imparable).
Il se référe à des tableaux cliniques bien
connus, qu'il a pris soin de mettre en scène. Comme il ne
laisse aucun témoin de ses attaques discrètes, de
ses paroles subliminales ou contradictoires, aucun témoignage
ne sera possible.
Il se constitue d'ailleurs un réseau d'alliés qu'il
persuade de sa bonne foi. C'est sa (bonne) parole contre la vôtre.
Pour le harcelé, la seule issue devant une telle solitude
et une telle ncompréhension de l'entourage, peut être
la paranoïa ou la mort. A moins que le pervers n'ait sous-estimé
les ressources de sa proie, auquel cas, les rôles peuvent
s'inverser. C'est le coup d'état ! Le renversement du système
totalitaire. Mais cela demande énormément de ressources,
de connaissance et d'expérience, de la part de la victime
qui y joue sa vie. Il s'agit pour elle de "faire de la résistance",
au sens noble, en restant intègre. Ne pas culpabiliser, ne
pas douter de soi, mais ne pas céder non plus à la
tentation d'entrer dans le camp des bourreaux, tout en sauvant tout
de même sa peau ! La seule arme qui semble convenir est l'intelligence,
dont découlent forcément, le courage, la force et
la générosité. Mais la lutte est sanglante,
et il est temps que les professionnels de la santé mentale
et de la Loi, prennent leur place du côté des "résistants".
Il est urgent de lever le voile posé pudiquement (et par
crainte) sur les pervers. Car certains de leurs pairs s'en font
les complices, ou en sont, par le biais (ou le choix ?) de leur
fonction : position sociale, ascendant sur autrui, titres, signes
(et insignes) de reconnaissance sociale...
D'autant que comme l'écrit Marie-France Hirigoyen, "la
difficulté des transcriptions cliniques réside dans
le fait que chaque mot, chaque intonation, chaque allusion ont de
l'importance"."Tous les détails, pris séparément,
paraissent anodins, mais leur ensemble crée un processus
destructeur." J'ajouterai que certaines paroles peuvent même
paraître particulièrement bienveillantes ce qui les
rend encore plus venimeuses.
"Il est ainsi des individus qui jonchent leur parcours de cadavres
ou de morts-vivants. Cela ne les empêche pas de donner le
change par ailleurs et de paraître tout à fait adaptés
à la société." "Comme c'est le cas avec tous
les pervers, cela débute par un abus de pouvoir et se poursuit
par un abus narcissique au sens où l'autre perd toute estime
de soi", et souvent l'estime des autres. La victime du pervers va
jusqu'à perdre ses repères et les valeurs propres
qui la fondent. Le pervers aime le pouvoir et c'est même là
son moteur. Mais pour abuser d'un pouvoir, encore faut-il en avoir,
ne serait-ce que le plus infime qui soit.
En ces temps où l'on préfère juger les abus
de dictateurs octogénaires, gâteux et à la retraite.
Il serait bon d'en profiter pour s'interroger enfin sur tous les
petits dictateurs qui possèdent le pouvoir à quelque
niveau que se soit, et n'en n'usent pas pour le bien commun, mais
uniquement à des fins de jouissance personnelle et en s'opposant
au bien d'autrui. Mais pour en venir à bout, il s'agit de
nous affranchir des tutelles (tuent-elles?) aliénantes (Freud
ne pressentait-il pas qu'il fallait "tuer le père", pour
grandir?). Nous nous devons d'être persuadé que notre
humanité (avec un petit et un grand "H"), à tout à
y gagner... Il est des questions politiques, comme des questions
individuelles. Des choix qui sont faits dépendent la bonne
santé, la survie, ou même la vie tout court. Selon
le principe mathématique, qui veut que tout soit en tout.
par Christine Strohl-Grün
Tiré de : https://www.mariefrance-hirigoyen.com/book/le-harcelement-moral-la-violence-perverse-au-quotidien/
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