phobie sociale

Témoignage de Michaël.

Il est 9h55 comme tous les matins à la même heure, je ferme la porte de mon studio et je regrette déjà d'avoir franchi le seuil de mon aquarium, l'océan, avec ses vagues, ses prédateurs et ses boulettes de fuel me terrifie. C'est cependant trop tard et je le sais, si je ne sors pas je déprimerais de ne pas être sorti et c'est toujours plus déprimant que d'angoisser. Je préfère tout à la stagnation !

J'ai ma météo personnelle, en fin d'après-midi les jours d'école, sortie des classes, les jeunes affluent dans les rues, parfois en bandes, sale temps, j'évite de mettre quoi que ce soit dehors, et surtout pas moi. Les dimanches il fait toujours beau, la ville est déserte, les rues également. Lorsqu'il pleut fort, lorsqu'il neige, je suis content, on fait moins attention à moi à travers les gouttes. Qu'il fasse beau (temps pluvieux) ou mauvais (soleil) je sors toujours couvert : ma casquette me cache les regards adverses, ma barbe me cache ma peau et mes pas me cachent mon mal être.

Je me suis dit qu'un jour, je serais fort, je regarderais dans les yeux chaque personne qui me croise, sans jamais tomber dans l'obsession, la paranoïa, bref la dévalorisation. J'ai à maîtriser les muscles et la respiration de mon corps, et tous ses réflexes enracinés. C'est vrai aussi que je suis toujours moins bien fichu que les gens que je croise généralement, ça n'aide pas, et un sourire me pousse sur le visage lorsque c'est une personne âgée qui vient en face de moi, persuadé qu'elle est née gentille et qu'elle s'est bonnifiée avec les années. Je sais aussi ce qu'il me reste à travailler... premièrement les idées toutes faites, le fichu conditionnement et les apparences trompeuses ! Je ne sais pas par où commencer tant la tâche est phénomènale ! D'où mon hésitation à m'en sortir depuis des années.

Tout a commencé à l'adolescence, j'étais déjà beaucoup moins bien fait que les autres, carrément différent, mais plutôt dans le sens d'une brebis galeuse. Depuis cette époque, j'ai passé ma vie à me faire tondre jusqu'à ce que les pulsions de mort et de désespoir total m'envahissent, malgré et peut-être aussi à cause des anxiolytiques qui, lorsqu'ils ne sont pas associés aux antidépresseurs, n'en font généralement qu'à leur tête et poussent dans le ravin des idées suicidaires. J'ai jamais réussi à me tuer, pas plus que j'ai réussi à vivre, j'ai bien essayé de me pendre pour "voir" comment ça faisait, mais je n'ai jamais été jusqu'au bout (de la corde)

Aujourd'hui, après deux thérapies comportementales que j'ai trouvé idiotes, deux hospitalisations moins idiotes, j'ai commencé une thérapie basée sur la relaxation et bientôt l'hypnose. J'ai un travail et une petite amie qui me font bien souffrir mais qui m'aident à progresser, j'ai un petit studio, un petit travail, et une grosse phobie sociale avec état dépressif au long cours. Je me suis sevré dernièrement une nouvelle fois de mes antidépresseurs, et je me suis juré de ne plus jamais subir tout ces tas d'effets secondaires déprimants et cette moitié de sensation de planer qui n'arrange rien à endormir toute possibilité de changement et d'ouverture. Je reste à vif, hyper sensible, hyper émotif, mais bien vivant. Ma plus belle aide, c'est mon désir de progression spirituelle, c'est ce qui donne un sens à mes souffrances, c'est le seul chemin que je tiens à prendre, en dépit de tout, et contre tout... c'est un chemin passionnant où il est nécessaire de ne pas résister, mais de rester disponible, éveillé, ouvert... Je ne peux pas dire que j'aime la vie et je ne pense pas pouvoir le dire un jour, tout simplement à cause du mal être que je ressens, à la fois dans mon corps et dans ma tête. Je m'oriente souvent vers les médecines naturelles, je cherche partout, je frappe à toutes les portes.

Je souffre, je ne peux le nier. Je ne veux pas non plus faire semblant. Je vois la vie comme un terrain d'expérimentation, de soi jusqu'à soi, il y a un travail de reconquête et de compréhension, jusqu'à la lucidité la plus pénétrante. Je reste disponible à tout, je me contente de peu, je souffre et je souffre de cette maladie, ma meilleure ennemie, celle qui m'a révélé et orienté vers d'autres compréhensions et devenirs... Comme l'a dit Khalil Gibran dans le Prophète, le luth fut taillé par la lame du couteau... J'essaie de gérer cette souffrance, là où il y a souffrance il y a besoin de changements, et je reste à l'écoute de ces voix intérieures qui me portent vers ces changements de perception et d'évaluation... Je vis avec ce mal terrible qui amène frustrations, colère rentrée, tout un tas de sentiments qui deviennent rapidement malsains, et souvent même incontrôlables.

La vie est un combat de soi jusqu'à soi, peu importe la souffrance, un jour je la verrais pleinement comme un guide, une simple information pour me retrouver comme jamais je n'aurais pu le faire...

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