phobie sociale

Témoignage de Lory


Bonjour,

Comme d'autres ici, je souffre depuis de nombreuses années d'un trouble de la personnalité évitante. Je cherchais à mettre un nom sur ce que je ressentais; je me croyais paranoïaque et, après quelques recherches, j'ai abouti ici car le profil dressé sur le site ne me laisse plus aucun doute: il est le miroir de ma personnalité.

Je ne vais pas revenir en détail sur le pourquoi de cette affection. D'ailleurs les causes sont multiples et classiques pour vous qui me lisez: timidité, moqueries, décalage, sans parler d'une forme d'éducation sexuelle que je qualifierais pudiquement de fort précoce. Ce que je sais, c'est que j'en souffrais déjà pendant mon adolescence, surtout dans mes rapports avec le sexe opposé.
Ensuite, certains problèmes physiques dont je suis atteint depuis l'age de 18 ans (j'en ai 32) m'ont plongé dans une spirale infernale caractéristique : le fait de me sentir en permanence devant un tribunal et d'avoir honte de moi m'a empêché d'en parler; le fait de ne pouvoir en parler n'a fait qu'aggraver mes troubles psychiques, etc.

Je n'ai donc que rarement pu avoir des contacts normaux avec les autres (outre le fait que j'ai toujours détesté ma voix et mon visage, à tort ou à raison, j'ai la possibilité de cacher mon problème physique; ce n'est pas comme si j'étais en chaise roulante, p.ex.).
Je mène pourtant une vie professionnelle "normale", protégé par ma cuirasse dans un environnement où ne règne aucune hostilité ni curiosité malsaine. Cependant, j'ai peu d'amis et ma vie affective est un désert. La moindre remarque ne venant pas d'une personne que je sais bienveillante est ressentie avec une sentiment qui mène à une rumination sans fin, à un tel point que si j'ai souvent eu envie de tuer, c'est sur moi que j'ai un jour fini pas retourner cette violence.

Les actes les plus simples, comme le fait de sortir faire des courses me sont certains jours pénibles (je me sens parfois très bien, mais il en faut peu pour que je sois pris d'une peur des autres que j'ai du mal à contenir), alors parler de mes problèmes ... impossible.

Voila un bref résumé de ce qu'il y a de moins gai dans ma vie. Venons-en maintenant au présent.

Poussé par je ne sais déjà plus quel besoin (l'oubli de celui que je suis, l'espoir, ou au contraire le besoin de me prouver que je n'intéresse personne) je me suis inscrit sur certains sites de rencontre (en commençant bien sûr par ceux où j'avais le moins de risque de devoir sortir du monde virtuel).
Sur l'un d'eux, fort fréquenté, il n'a pas fallu une journée pour que je sois contacté par une femme de ma région. Son "profil" n'était pas comparable au mien, que j'avais évidemment voulu original et ironique.
Nous avons chatté et fut très gai, bien que j'étais très nerveux.
Le lendemain, rebelotte et elle me donne son n° de téléphone. Je me suis alors dit que j'étais le 1000ème et qu'elle aurait vite fait de me tourner le dos, mais j'ai enfin ressenti une lueur d'espoir. Ne pouvant lui dire directement la joie mêlée de désespoir que je ressentais, puisque je n'avais pas confiance, j'ai eu besoin de m'exprimer d'une façon sarcastique qu'elle a pris pour elle, ce qui lui a fait de la peine. Pourtant, elle a trouvé les mots pour m'écrire et ne m'a pas claqué la porte au nez. Il s'en est suivi un début de déballage qu'elle a tout de suite perçu, sans effort, mais sans comprendre vraiment qui j'étais ni pourquoi (elle travaille dans une clinique pédo-psychiatrique et me compare aux enfants abandonnés qu'elle y rencontre). Elle n'a jamais cherché à me tirer les vers du nez; à me pousserà faire quoi que ce soit. Elle s'est contentée de m'ouvrir les bras, de me dire "si tu en as envie, fais-le" et elle n'a rien d'une fille facile, comme on dit.
Ces échanges de messages ont duré quelques jours et nous avons pleuré tous les 2. Je vivais dans un était de tension permanente et j'étais terrorisé à l'idée de lui parler au téléphone; elle le savait et ne m'a pas rejeté parce que j'avais trouvé la force de lui écrire avec le cœur. Mais pas question pour moi de lui donner d'autre renseignement personnel que mon prénom.
Il s'est alors passé plusieurs événements incroyables où j'ai vu un signe du destin; un encouragement du hasard. J'ai compris que si je ne le faisais pas maintenant, je ne le ferais jamais. J'étais mort de peur et ... j'avais mal noté son n°, c'était une autre femme ! J'étais effondré, puis je suis repris car c'était encore un signe: si ça avait été elle, je n'aurais pas pu parler.

Le lendemain, j'ignorais si j'en étais capable et pourtant j'y suis arrivé, grâce à elle: j'ai été voir mon médecin et, un peu poussé, j'ai fini pas lui dire ce que je voulais dire à propos de mon caractère, de mon physique. Je n'ai pas tout dit, mais suffisamment pour qu'il comprenne ce que je ressentais et pourquoi j'avais décidé d'en parler.
Le suite est venue avec une aisance incroyable: j'ai téléphoné et je suis monté sur scène. Elle m'avait promis qu'elle accepterait que je garde une part de mystère et j'ai été heureux de cette journée.
La suite fut tout aussi incroyable. Elle a réussi à m'apprivoiser sans peine: nous avons discuté pendant des heures de sujets dont je n'avais jamais parlé (le sexe, les enfants, ...), sans aucune gène et je lui ai donné mon n°. Sa voix et ses messages respirent la douceur et l'humanisme dont j'ai tant besoin. Elle est très contente de moi et respecte mon anonymat, sachant qu'elle devra patienter encore un peu pour que je lui dises mon nom et puis, sans doute, la rencontrer.

Elle sait que je ne peux aimer que si je suis persuadé que l'on m'aime. Et elle ne m'aime pas; elle me dit "J'aime beaucoup tes messages, te parler, mais je n'attends rien de toi, comme ça je ne serai pas déçue. On verra bien ce qui se passera.". Je n'éprouve pas non plus de l'amour pour elle (elle a aussi ses défauts et je ne sais pas encore à quoi elle ressemble), mais beaucoup de respect; en fait plutôt de la gratitude, presque de la vénération.

J'ai parfaitement conscience du ridicule de tout cela mais aujourd'hui je ne veux pas casser ce que le destin m'a donné la force de faire. J'ai peur de replonger car je ne suis pas guéri ; j'ai peur qu'elle m'abandonne un jour. J'ai besoin que cela continue et j'ai envie d'aller doucement de l'avant (elle le sait), mais si je le fais je risque de lui déplaire; si je continue la formule téléphone + lettres, elle risque de se lasser et je risque de perdre le peu de courage qu'elle m'a transmis.
Pourquoi accepte-t-elle de discuter matin et soir avec quelqu'un dont elle n'attend rien; comment est-il possible d'atteindre cette sérénité et de me la communiquer alors que je n'avais jamais connu ça ?

Que dois-je faire pour ne pas la perdre ?

Mon généraliste peut-il m'aider à guérir mentalement ? (physiquement, il semble que ce soit possible avec du temps et du courage) Je ne veux pas faire le tour des cliniques et raconter ça à d'autres.

Merci de m'avoir lu et bon courage à tous.

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